La terre, qui méconnaît Dieu, méconnaît aussi cet ouvrage de Dieu en la terre. Marie naît à petit bruit, sans que le monde en parle et sans qu’Israël même y pense, bien qu’elle soit la fleur d’Israël et la plus éminente de la terre. Mais si la terre n’y pense pas, le ciel la regarde et la révère comme celle que Dieu a fait naître pour un si grand sujet, et pour rendre un si grand service à sa propre personne, c’est-à-dire pour le revêtir un jour d’une nouvelle nature. Et ce Dieu même qui veut naître d’elle l’aime et la regarde en cette qualité. Son regard n’est pas alors sur les grands, sur les monarques que la terre adore ; mais le premier et le plus doux regard de Dieu en la terre est vers cette humble Vierge que le monde ne connaît pas.
C’est alors la plus haute pensée que le Très-Haut ait sur tout ce qui est créé. Il la regarde, la chérit, la conduit, comme celle à qui il veut se donner soi-même, se donner à elle en qualité de Fils et la rendre sa Mère… Aussi Dieu est et agit en elle, plus qu’elle-même. Elle n’a aucune pensée que par sa grâce, aucun mouvement que par son Esprit, aucune action que par son amour. Le cours de sa vie est un mouvement perpétuel qui, sans interruption, tend à celui qui est la Vie du Père et sera bientôt sa Vie, et s’appelle absolument la Vie dans les Écritures (Jn 14,6)… Cette Vierge, cachée en un coin de la Judée, inconnue à l’univers, fiancée à Joseph, fait un chœur à part dans l’ordre de la grâce, tant elle est singulière.
Vie de Jésus, ch. 5 (Grasset 1961, p. 54-55)
Pierre de Bérulle